Grand prix « Bernard et Odile Tissot » 2014 de l’Académie des sciences
A l’interface entre la Physique, la Chimie, l’Environnement et les Sciences de la Terre et de l’Univers, les travaux de Jean-Noël Rouzaud portent sur les carbones naturels et anthropiques. Utilisant les méthodes de microscopie électronique par transmission (MET) et microspectrométrie Raman, il a su faire de l’étude de leur organisation multi-échelles (du nanomètre au micromètre) un traceur des processus et des conditions de leur formation. Entre recherches fondamentales et finalisées, il a appliqué sa démarche aussi bien à la cokéfaction qu’à la houillification, à la graphitisation de la matière organique dans le métamorphisme, aux carbones météoritiques et interstellaires, aux traces de l’origine de la vie, au piégeage des hydrocarbures dans les nanopores de la matière organique des "gaz de schistes" - expliquant les limites des techniques de fracturation, aux suies de combustion, et tout récemment en proposant un procédé très prometteur de décontamination des graphites nucléaires irradiés - permettant d’éviter ou de mieux sécuriser leur stockage géologique. Directeur de recherches au CNRS affecté au laboratoire de Géologie de l’ENS, promoteur d’une expertise scientifique indépendante à l’écoute des problèmes de la Société, Jean-Noël Rouzaud est un exemple de chercheur citoyen.
Jean-Noël Rouzaud est Géologue de formation universitaire. Il s’est d’emblée intéressé à des problèmes situés à l’interface entre Sciences de la Terre et Sciences Physiques. Lors de sa thèse de 3° cycle (codirection Jean Trichet - Agnès Oberlin, collaboration la société minière I-Metal), soutenue en 1979, il participe à l’aventure extraordinaire des réacteurs nucléaires naturels d’Oklo. Il montre le piégeage de l’uranium par la matière organique à l’origine des fortes concentrations en uranium ; et dépose un brevet sur un procédé de récupération de l’uranium piégé dans ces bitumes. Il entre au CNRS en 1979, au laboratoire du Dr Agnès Oberlin à Orléans. Lors de sa thèse d’Etat, préparée en collaboration avec l’Institut Français du Pétrole, il étudie l’évolution de matériaux carbonés -naturels ou artificiels- soumis au seul effet de la température que ce soit dans la nature (houillification) ou dans l’industrie (carbonisation). En 1990, il propose un mécanisme de la carbonisation industrielle des charbons (cokéfaction). Ses résultats mettent en avant le rôle essentiel des hydrocarbures lourds piégés dans la microporosité sur le développement, l’organisation multi-échelle et les propriétés des cokes industriels, notamment en gazéification. Directeur du Groupement Scientifique (GS) « Pyrolyse du Charbon », de 1988 à 1995, il est un des leaders français de cette thématique, et est reconnu internationalement comme spécialiste des charbons. Dans les années 90, il rejoint le Centre de Recherche sur la Matière Divisée à Orléans (CRMD, dirigé par Henri Van Damme). Il y développe le concept d’organisation multi-échelles des carbones comme paramètre gouvernant leurs propriétés. A la fin de l’exploitation du charbon en France, il réoriente ses recherches vers les matériaux pour électrodes (anthracites graphitisables) et les matériaux carbonés adsorbants ("charbons actifs") synthétisés « à la carte » pour remédier à des problèmes d’environnement. Il est un des premiers en France à s’intéresser aux nanotubes de carbone et publie dès 1994 des résultats sur la nature de défauts responsables de leur structure. En parallèle il étudie d’autres modes de graphitisation (en présence de fer, sous pression ...), permettant d’abaisser la température de formation du graphite en dessous de 1000°C. Les graphites obtenus sous pression sont d’excellents analogues du graphite naturel formé lors du métamorphisme. Il participe ainsi à l’élaboration d’un géothermomètre Raman qui est actuellement extrêmement utilisé pour l’étude de métamorphismes dans le cas de roches organifères exemptes de paragenèse minérale caractéristique. En suivant une démarche similaire, il cherche à élaborer en laboratoire des analogues terrestres pour des carbones extraterrestres. Tout d’abord, en collaboration avec le CEA, il montre que des nanoparticules de carbone synthétisées par pyrolyse laser d’hydrocarbures sont des analogues pertinents des poussières carbonées interstellaires, leurs signatures optiques étant comparables à celles enregistrées par les astronomes. Les méthodes originales d’analyses d’images de MET Haute Résolution lui permettent de mieux quantifier l’organisation de carbones désordonnés, et ainsi de mieux comprendre leurs propriétés et de mieux les modéliser.
À partir de 2004, date à laquelle il rejoint le laboratoire de Géologie de l’ENS, il se focalise sur les carbones naturels extra-terrestres et sur leurs analogues expérimentaux. En 2008, il participe à la synthèse de nanodiamants purs par croissance homogène dans des plasmas, et dépose un nouveau brevet en 2009. Il apporte des informations originales sur la minéralogie des phases carbonées des météorites (mélanges paradoxaux de diamant, graphite, carbones nanostructurés ou amorphes), ce qui contribue à reconstituer l’histoire des corps-parents au début du système solaire. Il s’attaque ensuite au problème des graphites nucléaires irradiés. En 2012, dans une conférence invitée au congrès mondial "Carbon" de Cracovie, il expose une méthode de décontamination des graphites nucléaires irradiés par carboxygazéification, processus directement inspiré par ses travaux sur les cokes de hauts-fourneaux. Les résultats des tests actuellement effectués au CEA sont très prometteurs puisque, avant toute optimisation du procédé, un quart du 14C est éliminé du graphite irradié pour seulement quelques pour cents de perte de masse. Ce procédé pourrait éviter, ou mieux sécuriser, le stockage géologique de quelques 23.000 tonnes de déchets de graphite irradié et contaminé. Au contraire des mécanismes de graphitisation, les phénomènes de carbonisation restent assez mal connus alors qu’ils sont essentiels pour traiter de questions majeures en Géologie telles que la genèse et l’éventuelle rétention des hydrocarbures. En 2013, profitant directement de ses connaissances sur les charbons, ses travaux personnels de MET et Raman apportent des informations décisives en visualisant les nanopores de la matière organique dans lesquels sont piégés des hydrocarbures de façon quasi-irréversible. Ceci explique les limites des techniques de fracturation qui ne peuvent atteindre l’échelle nanométrique et la chute rapide, fréquemment observée, de la production de ces roches-mère imprégnées.
Enfin, ses travaux sur la carbonisation ont également des applications en archéométrie : la construction d’un paléothermomètre Raman dédié aux charbons de bois des grottes préhistoriques....
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